Zusammenfassung
Le commentaire du Cantique des Cantiques de Maître Eckhart (dominicain rhénan 1260-1328) se réduit à l’exégèse d’un verset. Or, Eckhart a par deux fois signalé, dans son Livre des paraboles de la Genèse, avoir composé un commentaire complet du Cantique. De plus, de nombreux versets du Cantique apparaissent dans certaines œuvres de Maître Eckhart notamment. Comment expliquer ce fait? Qu’a-t-il à ...
Zusammenfassung
Le commentaire du Cantique des Cantiques de Maître Eckhart (dominicain rhénan 1260-1328) se réduit à l’exégèse d’un verset. Or, Eckhart a par deux fois signalé, dans son Livre des paraboles de la Genèse, avoir composé un commentaire complet du Cantique. De plus, de nombreux versets du Cantique apparaissent dans certaines œuvres de Maître Eckhart notamment. Comment expliquer ce fait? Qu’a-t-il à nous enseigner sur la mouvance des genres? En adoptant une méthode d’interprétation des indices textuels dont nous disposons, et non pas une méthode historique cherchant à expliquer les circonstances factuelles de la rédaction du commentaire eckhartien du Cantique des Cantiques, je ferai ici l’hypothèse que les différentes formes prises par les exégèses des versets du Cantique ne sont pas sans rapport avec le texte et le genre littéraire mêmes du Cantique, si bien que cette mouvance de la forme exégétique du Cantique des Cantiques constitue en elle-même un acte d’interprétation de Maître Eckhart. J’essaierai de montrer que le passage d’une forme «insulaire» (commentaire continu de l’œuvre) à une forme «en archipel» (réseaux de versets du Cantique des Cantiques renvoyant les uns aux autres à travers différentes œuvres eckhartiennes) permet à Maître Eckhart de formuler plus efficacement les principes d’une «métaphysique du baiser», mettant ainsi en pratique son hypothèse herméneutique: le Cantique des Cantiques apparaît comme une réécriture midrashique de la littérature prophétique hébraïque. C’est pourquoi Maître Eckhart s’inspire du mode de communication de la vérité qu’il a trouvé dans le Guide des égarés de Maïmonide pour suggérer, en les voilant, les fondements d’une métaphysique de l’union en acte de l’amant et de l’aimé, afin d’inviter son lecteur à aller au-delà d’une métaphysique des substances séparées par leur nature respective.